Entretien avec Serge Navel
Le journaliste nîmois Serge Navel, qui écrit notamment pour le magazine Terre de Vins et le site Wine LR, évoquent les liens qui unissent vin et feria au travers du duo formé par la Feria de Nîmes et les vins des Costières de Nîmes.
Quelle est la place du vin dans une feria ?
Une feria, c’est d’abord un moment unique dans une année. Comme le carnaval est une soupape sociale où le valet joue au maître, quelques jours pendant lesquels on inverse les codes, la feria est une soupape en ce qu’elle autorise tous les excès. Anthropologiquement, la feria est un rituel bacchique. Le temps qu’elle dure, on se permet un train de vie supérieur : on dépense, on mange et on boit plus que de raison.
Cette nécessité d’une « soupape » se retrouve ailleurs ?
Oui, l’Oktoberfest de Munich est un exemple. Dans La Part maudite, Georges Bataille a conceptualisé ce besoin, propre à toutes les sociétés humaines, de se laisser aller et de dilapider un excédant d’argent ou d’énergie dans un cadre ritualisé. Une feria est l’une des expressions de ce besoin. Déjà parce qu’elle tient sur plusieurs jours ce qui permet de s’installer dans la fête et de vivre à un rythme différent. Mais aussi parce qu’elle interrompt certaines règles et tolère l’excès… de boisson par exemple.
Le vin est cette boisson ?
Dans le cas de la Feria de Pentecôte, oui ! De manière générale, le rituel bacchique fait la part belle au boire et au manger. Or, le vin a une charge symbolique forte, en particulier dans les terres de tradition chrétienne. Dans le cas de Nîmes, le vin a en plus une dimension historique : les corridas, qui prolongent les jeux du cirque, ont lieu dans les Arènes construites par les Romains, les mêmes qui ont introduit le vin dans la région ! On rejoue l’antique, avec des hommes qui, dans l’arène, affrontent des puissances supérieures à leur condition humaine. Le vin, par sa portée historique, entretient le fil.
Le vin des Costières de Nîmes est à même de jouer ce rôle ?
Je crois qu’il n’y a pas plus approprié, tant pour des raisons identitaires que pour le caractère du vin. Il s’agit d’un vin populaire dans le sens noble du terme. Il est chaleureux et accessible, C’est un vin du Sud, fruité et facile à boire. Bref, il se prête bien au jeu. Et puis, on n’imaginerait pas boire autre chose avec les spécialités nîmoises ou gardoises. Quoi de mieux qu’un Costières de Nîmes pour une gardiane de taureau ?